Dans une lettre au chef d'orchestre Bernard Molinari, Debussy expliquait que la Sonate pour violoncelle et piano devait s'intégrer à un ensemble de six sonates «avec des combinaisons différentes, la dernière (réunissant) les sonorités employées dans les autres...». Les trois premières devaient seules être écrites. On sait cependant que la quatrième aurait été pour hautbois, cor et clavecin, et la cinquième pour trompette, clarinette, basson et piano.
Sa Sonate pour violoncelle et piano, il avait eu l'idée, primitivement, de l'intituler Pierrot fâché avec la lune. En fait, tout en l'écrivant, il était hanté par les arlequinades de la commedia dell'arte. Il n'est donc pas étonnant que cette pièce découvre çà et là des pirouettes d'esprit comme Debussy en avait le secret. Esprit, ironie, humour - mais aussi tendresse cachée, mélancolie discrète, telles qu'elles s'expriment dans le court Prologue. Le deuxième mouvement, Sérénade, jongle avec des accents savoureusement grotesques, mi-grinçants, où les pizzicati du violoncelle se mêlent aux virevoltes du piano dans un climat de mystère. La Sonate reprend avec le Finale sa franche gaîté, son clin d'oeil amusé, s'arrêtant parfois, de nouveau, sur une pointe de tendresse.Cette oeuvre fut écrite presque d'un seul jet, en quelques jours (fin juillet-début août 1915), en dépit des premiers signes d'affaiblissement du compositeur.
Joël Wissotzky et extrait de la lettre du 6 octobre 1915, in «Correspondance» (1884-1918) Réunie et présentée par François Lesure, 1993