Au-delà de la tentation du tragique pour le tragique, des impulsions naïves qui nous poussent à tenter d'exprimer ce qui pourrait se trouver d'extraordinaire ou de singulier dans notre expérience individuelle, se trouve un endroit, des instants que je pourrais dire faits d'une lucidité que rien ne pourrait remettre en question. Cet espace est discontinu spontané et imprévisible, il vous permet pendant un instant le privilège de vous voir tel quel, sans fard ni fausse modestie, avec certitude.
Ces « plateaux » de lucidité sont à la fois magnifiques et frustrants, car la brièveté qui fait leur beauté est aussi ce qui les rend douloureuses et incompatibles avec l'existence qui elle en appelle à l'organique, au continu des «unités de temps» plus longues.
Alors recommence cette « marche dans le désert », où tout me semble habité par une détérioration progressive des sensations remarquables. Durant ces « épisodes entropiques », comme dans une sorte de tunnel, la distance parcourue se définit qualitativement en fonction de ce qui est le plus près, dans mon dos l'ouverture par laquelle je me suis engouffré, ou encore tout droit devant dans la lumière du prochain plateau. Apprendre à apprécier « ce qui ne se produit pas », cesser d'attendre et sans fin faire des liens, afin de traverser la patience, tendre des ponts à l'image de la vie et de « ce qui devait se produire ».