Gris cendre prend appui sur le texte de Samuel Beckett intitulé Lessness et que Ludovic Janvier en accord avec l’écrivain a traduit par le mot « Sans ».
Lessness. Il n’y eut d’autre traduction trouvée par lui à ce mot forgé par lui en anglais que cet autre mot simple qui ne retient que le retranchement – Sans.
Lessness est description, tentative d’épuisement d’un lieu où toute personne est absente sauf par sept fois ce « il », petit corps seul debout cœur battant, dont les actes – maudire, faire, revivre – sont les prémices à l’occupation de ce lieu. « Lieu vide en attente des corps, de la langue, des événements »… Lieu de l’être que le philosophe finit par nommer Noir gris, qui dit « l’être dans sa localisation vide de tout événement ». « Un noir assez gris pour qu’il ne soit pas en contradiction avec la lumière, un noir qui n’est l’opposé de rien, un noir anti-dialectique. » (Alain Badiou, Beckett, L’increvable désir, Éditions Hachette Littérature, Paris 1995).
Il m’est apparut à force de lire, relire ce petit texte, que les mots étaient organisés, que les phrases dessinaient une structure – perceptible – qu’il me plu de me ressaisir dans ma manière d’entendre la musique. J’osais imaginer que cette démarche m’engagerait à entendre une forme musicale étrange dont je serais peut-être le premier déconcerté. Mon rapport à ce petit texte se situe à cet endroit.
Gris cendre rejoint le travail que j’ai commencé avec Noir azur – Cette fois – puis avec Noir gris – Impromptu d’Ohio.
« Ciel gris sans nuage pas un bruit rien qui bouge terre sable gris cendre. Petit corps même gris que la terre et le ciel les ruines seul debout. Gris cendre à la ronde terre ciel confondus lointains sans fin. » Samuel Beckett, « Sans », éditions de Minuit, Paris 1969.
Jérôme Combier.