informations générales

date de composition
2008-2009
durée
30 min
éditeur
Lemoine
Commande
Ircam-Centre Pompidou et Orchestre de Paris

genre

Musique instrumentale d'ensemble (Grand orchestre type "bois par 3" (ou plus))

effectif détaillé

4 flûtes (aussi flûte piccolo, flûte alto), 4 clarinettes (aussi clarinette en mib, clarinette basse), 4 trompettes, 3 trombones, tuba, 4 percussionnistes, 14 violons, 12 altos, 10 violoncelles, 8 contrebasses

informations sur la création

date
11 juin 2009

Paris, salle Pleyel, festival Agora

interprètes

l'Orchestre de Paris, direction : Jean Deroyer.

Information sur l'électronique

RIM (réalisateur(s) en informatique musicale)
Benoît Meudic
Dispositif électronique
dispositif électronique non spécifié

Note de programme

Lorsque Frank Madlener m'a proposé le projet de confronter un orchestre symphonique avec la lutherie électronique, j'ai tout de suite accepté ce défi sachant qu'il me faudrait rapidement fixer des contraintes très fortes, tant le champ des possibles, qu'il soit instrumental ou électroacoustique, était infini. Mon idée initiale était d'utiliser pour la première fois des transformations en temps réel, afin d'assouplir les rapports de verticalité et d'utiliser l'informatique comme un moyen d'orchestration. Celle de Frank était de se demander comment l'électronique pouvait créer l'illusion d'un orchestre déployé dans l'espace, entourant le public, et créant des configurations acoustiques inouïes. Afin de travailler sur cette problématique, j'ai décidé d'utiliser une formation orchestrale défective, ou certains instruments (notamment ceux qui étaient les moins localisables à l'écoute, comme le basson ou le cor) seraient absents et « remplacés » dans la texture générale par l'ordinateur.

Qui dit « illusion » dit aussi « surprise », et j'avais besoin, pour élaborer la forme de l'œuvre, de prendre comme point de départ une source qui ait à la fois une grande diversité interne (une succession d'instants pourraient être traduits musicalement par autant de configurations acoustiques) et une cohérence. Rapidement, il m'est apparu que mes recherches étaient finalement très similaires à celles de l'immense chef espagnol Ferran Adrià, dont la cuisine joue en permanence sur le conflit entre connu et inconnu, entre référence et invention abstraite, et dont les menus sont "composés » avec un sens de la forme absolument saisissant. Très régulièrement, je tente d'établir des liens entre la musique et les arts de la bouche (gastronomie, œnologie), par l'improvisation au piano sur des vins ou des mets, et par l'écriture (notamment d'un duo pour alto et piano, Quelques effervescences, qui s'inspire de vins pétillants du monde). Les deux univers me semblent intimement liés, dans l'immédiateté de la réception, et dans le parallélisme entre les sensations éprouvées (de nombreux musiciens font appel à des métaphores gustatives pour parler de leur travail : un accord « épicé », une sonorité « grasse », une orchestration « acide »…).

Le menu que j'ai eu l'honneur de déguster en 2007 au restaurant "El Bulli" s'articulait autour de 35 plats que j'ai utilisés chronologiquement, tant l'articulation entre le salé et le sucré, les mets marins et terriens, le végétal et l'animal était, en soi, une dramaturgie parfaite. L'illusion était présente dès le premier instant. Ainsi, « l'olive sphérique » qui débutait ce repas jouait sur le contraste entre un objet visuellement identifiable (une olive) et son « interprétation » surprenante (il s'agissait en fait d'une reconstruction visuelle de l'olive, mais qui n'était autre que de l'huile d'olive emprisonnée dans une fine couche gélatineuse verte : aspect et goût étaient en phase, mais la texture, elle, était inouïe). Musicalement, la traduction de ce plat était assez évidente : un impact reprenant l'explosion de cet met en bouche débute la pièce, et une texture plus continue vient évoquer le déploiement de l'huile dans la bouche.

Certains plats sont assez unitaires, d'autres contiennent en eux un parcours que j'ai fidèlement reproduit (par exemple la « framboise au wasabi », qui se déguste en trois temps successifs). J'ai aussi mis en relation certains plats entre eux, afin de créer des « retours » qui permettent à la structure musicale de sortir d'une logique de catalogue (par exemple, une fleur de capucine, dégustée avant les desserts, renvoie gustativement, et donc musicalement, à une amande fraîche qui, elle, est présente dans le premier quart du repas). Ce « livre » s'achève sur la texture aérienne d'un papier effervescent au cassis qui conclut de façon suspensive une pièce particulièrement animée, où les masses sonores s'opposent de façon frontale, et viennent occuper tout l'espace de la salle de concert.

Bruno Mantovani.

Liste des plats au menu du restaurant El Bulli de Ferran Adrià, illustrés dans l’œuvre de Bruno Mantovani

  • Olives sphériques
  • Gin Fizz
  • Chocolat sans chocolat n° 1 (pistache)
  • Snack doré
  • Mercedes
  • Frites d’ananas lyophilisé
  • Chocolat sans chocolat n° 2 (ananas)
  • Meringue de betterave au yaourt
  • Boule de cacao amer
  • Chocolat sans chocolat n° 3 (cassis)
  • G.P.
  • Galette curry/cacahuètes
  • Meringue à la pistache avec espuma de yaourt
  • Éponge de sésame
  • Dacquoise de pignons
  • Framboise au wasabi
  • Fleur de horchata
  • Amande fraîche et huile d’amande
  • Haricot géant à l’ail japonais
  • Meringue au Schweppes avec fraises lyophilisées
  • Anchois à la fleur de basilic
  • Assiette italienne
  • Risotto de pamplemousse
  • Gnocchi de polenta
  • Ravioles de graines de pimientos del Padron
  • Couteaux aux algues
  • Caviar d’escargots
  • Concombres de mer avec cannelloni d’algues
  • Anguille à la moelle/fleur de capucine/concombre
  • Barbe à papa, glace à la banane
  • Mûres à la liqueur de mûre
  • Dessert blanc
  • Fraises au vinaigre de Jerez
  • Sablés mandarine/thé vert/menthe
  • Papier effervescent au cassis


Bruno Mantovani.

captations

Voir la fiche media

complete.mp3

Composé par Bruno Mantovani , concert du 11 juin 2009


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