De Prolatione, pour percussion solo, est sous-titré canon, ce qui laisserait entendre que le percussionniste sera aux prise avec un certain nombre de lignes musicales indépendantes — au moins deux. Il n'en est rien, car le terme de « canon » est ici appliqué à une procédure inhabituelle fondée sur une distinction fonctionnelle des domaines de la métrique et de la rythmique. Le procédé du canon est appliqué de telle sorte que le sujet est exposé dans une proportion de temps lente, le mètre (ici, chaque mesure), tandis que la réponse sera simultanément prolationnée (c'est-à-dire, littéralement, mesurée à une échelle et à travers un dénombrement) dans une proportion rapide, le rythme. Le principe théorisé est ici mis en oeuvre de manière exhaustive, à travers un processus observé — et préalablement pensé — avec la plus grande rigueur. L'œuvre a fait l'objet, de pair avec un travail « manuel » traditionnel, d'une formalisation, en explicitant la construction et la syntaxe de l'oeuvre, re-dégage ses substructions théoriques, souligne mon souci d'objectivation des techniques du passé, en redéfinissant leur nécessité historique. En ce sens, le choix du matériau de départ, la citation 23 « mouvemens, ou pieds mesurez » décrits par Marin Mersenne dans son Harmonie Universelle de 1636, vaste fresque théorique visant l'exhaustivité, va dans le sens de cette objectivation nécessaire, en ces temps de frilosité théorique. C'est par souci d'ouverture vers l'écoute individuelle de l'œuvre, que j'ai choisi une instrumentation, des nuances allant dans le sens d'une surface pauvre, où la complexité sous-jacente devient le véhicule d'une rhétorique du désir et de l'atente, en une subtile combinatoire.