Pour moi, les œuvres peuvent servir à la fois d’espaces pour de nouvelles créations et d’explorations de la perception et du subconscient. En 2012, j’ai rêvé d’une maison abandonnée, d’une foule en colère frappant violemment un criminel et de mon frère sur qui je laissais pointer une arme. Ce rêve est survenu peu de temps avant la fusillade de l’école primaire Sandy Hook qui a marqué le début de la crise actuelle de la violence armée dans les écoles américaines.
En 2019, j’ai rencontré la poétesse russe Katia Bouchoueva qui a composé un texte, à ma demande, à partir de ce récit. Le poème de Katia se fonde davantage sur l’univers engendré par ce rêve que par l’action qui s’y déroule. Les textures et les rythmes fluides, non quantifiables, les changements d’orientation de l’écoute de l’auditeur, ainsi que les objets timbraux en constante transformation sont réunis pour imiter le type de fluidité et d’instabilité observables du point de vue subjectif du rêve. À la fin, le meurtrier se transforme pour devenir tout simplement le frère, de même que l’auteur du rêve – c’est-à-dire moi-même – passe du statut d’observateur passif à celui de tireur actif.
Louis Goldford, note de programme du concert du 18 juin 2019 au Centquatre-Paris.