« Répétition des petits chocs d’une longue sensation ainsi décomposée.
Répétition de toute sorte à peine reconnaissable. Répétition à n’en pas finir,
dont on n’a pas besoin et qui ébranle la tête. Répétition de métronome enragé.
Répétition augmentant encore l’accentuation déjà existante.
Accentuation qui insiste, qui insiste, qui insiste, qui despotiquement insiste,
qui revient, qui ne lâche pas, qui augmente la présence, qui hallucine,
qui invite à la foi, qui est déjà la foi, une foi à la frappe incessante.
Accentuation des présences, des impressions de présences, des
évocations de présences. Il faut constamment se dérober à la foi
(à toutes sortes de « foi »), se détacher de la foi, lorsqu’elle vous a surpris, malgré vous.
Foi de tous côtés contre laquelle, quoique prémuni, on ne peut faire face à temps. »
L’infini turbulent, Henri Michaux
Professor Bad Trip est une trilogie inspirée par les écrits d’Henri Michaux dédiés à l’exploration des drogues hallucinogènes, la mescaline en particulier. J’ai trouvé des analogies entre les troubles de la perception hallucinée dans l’écriture de Michaux et les processus développés dans mon écriture musicale.
Dans Professor Bad Trip, les images sonores sont agitées par un séisme incessant, remuées par des houles d’ampleur différente, selon différents rythmes de torsion, d’ondulation ; les contours des images se meuvent comme des vagues, dans une texture de lignes oscillantes, se déforment, se reforment, se contractent, s’étalent dans un mouvement vibratoire-ondulatoire continu, dans la multiplicité, les chevauchements, la superposition des périodes et des cycles.
« Toute drogue modifie vos appuis. L’appui que vous preniez sur vos sens,
l’appui que vos sens prenaient sur le monde, l’appui que vous preniez sur votre
impression générale d’être. Ils cèdent. Une vaste redistribution de la sensibilité se fait,
qui rend tout bizarre, une continuelle redistribution complexe de la sensibilité.
Vous sentez moins ici, et davantage là. Où « ici » et « là » ? Dans des dizaines d’« ici »,
dans des dizaines de « là », que vous ne connaissiez pas, que vous ne reconnaissez pas. »
Connaissance par les gouffres, Henri Michaux